L'enchanteur. Cette histoire est vraie parce que je l'ai inventée.
On plonge au coeur de la naissance du roman.
Avec légèreté et un peu de moquerie.
Et je prends le temps du souvenir en faisant renaître quelques instantanés des années 70.
Plus qu'aujourd'hui, j'attendais les cérémonies d'annonce du Prix Goncourt et du Prix Médicis.
Je tournais autour des lieux que je n'avais aucun mal à considérer comme des instances sacrées, allant de la Place de l'Odéon à la rue Sébastien Bottin où je rencontrerai quelques écrivains illustres dans le temps de la préparation du Guide Encyclopédie sur les Chemins de Saint Jacques, à l'adresse prestigieuse des Editions Gallimard.
Silhouette entr'aperçue de Philippe Sollers.
Et je lisais avec passion, mais sans vraiment tenir compte de ces jurys impérieux et impériaux.
Et pourtant, je me suis bien amusé en 1975 lorsque Romain Gary fut primé pour la seconde fois, sous l'anonymat d'un "jeune prodige littéraire", Emile Ajar, qui n'était autre qu'un double assumé, proche parent et usurpateur inventé pour l'occasion.
Pied de nez à un monde dans lequel ce Lituanien né à Vilnius du temps du grand empire russe, avait grandi vers la gloire de l'aviation, de la résistance armée contre les totalitarismes, de la politique distanciée, de la diplomatie mondaine et des lettres parisiennes.
De la maîtrise d'un destin euro-américain, à la maîtrise d'un suicide qui clôt une certaine insouciance des années 70, en passant douloureusement par le drame de Jean Seberg, dont le suicide, provoqué ou non par l'accumulation des mensonges du FBI et de la trahison des hommes, annonce d'une certaine manière celui de son ex-mari voyageur et volage.
La vendeuse volante de journaux américains, symbolise tout un monde de faux-semblants où le drame final d'"A bout de souffle" semble clore une séquence de fuites en avant née dans une "Promesse de l'aube" et finir par cumuler des claps de fin mortels, des maladies mentales non simulées et des suicides réels.
Si le téléfilm "L'enchanteur", sorti en février 2024, mais que je n'ai vu que récemment, laisse un peu désenchanté, il constitue cependant une sorte de double très parisien et léger, double inversé d'une ambiance dramatique croisant des vies envolées trop tôt.
Autrement dit, si je suis bien l'argument du film de Philipe Lefebvre :
"Ne consacrez jamais de thèse à un auteur volage, en mal de revanches ou de plaisanteries douteuses."
Et j'ajouterai :
"Mais gardez par devers vous l'intégrale un peu tronquée que La Pléiade lui a consacré en 2019 et dont je me souviens d'avoir arraché à d'autres amateurs un exemplaire au rez-de-chaussée de la Librairie Kléber à Strasbourg.
Pour le reste, je fais confiance à France.Tv etvous pour revenir sur le "scandale".
"Septembre 1975. Une jeune Niçoise débarque à Paris avec deux idées en tête, qui n’en font bientôt qu’une : rencontrer son écrivain favori et s’inscrire en études de lettres à la Sorbonne pour y préparer une thèse : « Le réenchantement du réel dans l’œuvre de Romain Gary ». La première partie de son projet est assez simple à réaliser, Gary a ses habitudes à la brasserie Lipp. La seconde, moins évidente. Snobé par l’université, Romain Gary (prix Goncourt en 1956 pour Les Racines du ciel) est désormais un romancier un peu passé de mode. Celui dont on parle, cette année-là, c’est Émile Ajar, qui publie La Vie devant soi – après Gros-Câlin en 1974. Un ton nouveau et un mystère : personne ne l’a jamais vu, mais les rumeurs vont bon train et on parle de lui pour le Goncourt.
On le sait aujourd’hui, Ajar n’est autre que l’auteur des Promesses de l’aube. Compagnon de la Libération, fidèle gaulliste, ancien diplomate, marié un temps à l’actrice américaine Jean Seberg, Gary est alors un séducteur vieillissant obsédé par la « gueule qu’on lui a faite », terrorisé par le déclin, comme l’illustre son dernier roman, tout juste paru, Au-delà de cette limite votre ticket n'est plus valable. Il s’offre avec Ajar une seconde jeunesse, une nouvelle chance, un nouveau masque. Et une plaisanterie un peu cruelle. Seule une poignée de proches est dans la confidence : son ex-femme, son fils, son avocate Gisèle Halimi, son éditeur et ami Robert Gallimard et son petit-cousin Paul Pavlowitch, chargé d’incarner Ajar. Tout le monde ou presque tombera dans le panneau..."
Mais je dois avouer que je me suis finalement bien amusé.
N.B. : Réalisé par Philippe Lefebvre, coécrit par les romanciers Maria Pourchet et François-Henri Désérable, L’Enchanteur revisite avec légèreté l'histoire d'une fameuse supercherie littéraire sous la forme d'un plaidoyer en faveur de la fiction mêlant réalité et invention. Avec Charles Berling, Claire de La Rüe du Can (de la Comédie-Française) et Pierre Perrier, lundi 12 février 2024 à 21.10 sur France 2.
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