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Un homme qui boit rêve toujours d’un homme qui écoute

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  Thibault de Montalembert et Ibrahim Maalouf Ils sont deux Souvent face à face, sanglés dans leurs identités. Parfois côte à côte, aspirés par leurs souffrances passées et leur mal être présent. Ils sont aussi au bord, sur un rivage, ancrés et parfois englués, de part et d’autre d’une mer que les guerres coloniales ont creusée comme un fossé dangereux .  Au bord du désespoir ou au bord des larmes. «  Pierre, jeune musicien, souffre de l’exiguïté de son appartement parisien où il lui est impossible de faire « hurler sa trompette ». Zireg, son ami écrivain, l’invite à venir s’isoler dans sa maison d’enfance pour se parler, se redécouvrir, rire, s’opposer…  » Sarah-Jane Sauvegrain Mais en fait, ils sont trois. La femme, celle que le scandale du corps tentateur voue à l’enfermement. Celle qui révèle par ses cris, sa proximité des tissus et des linges mouillés, la prison des consciences et des identités. Comment éviter alors que leurs destins à la fois se croisent et se fracassen

Perfect days

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  Avec un petit appareil photographique. A l’heure du déjeuner. Quelques branches d’arbres qui filtrent la lumière. Au moment du réveil, quand il est l’heure de replier le futon. Afin de ranger une pièce quasiment vide. Sauf quelques livres épars, ressources d’imaginaires lointains. Dans la cour de l’immeuble. Le temps de glisser une pièce dans le distributeur de boissons. Et de prendre un nouveau départ pour vivre intensément une journée parfaite. Une somme de gestes. Toujours les mêmes. Rassurants. Au volant d’une voiture. Au sein d’une circulation fluide. En écoutant la musique d’une cassette audio prélevée dans un stock qui semble inépuisable.  Une collection venue des jours moins parfaits de la jeunesse ? Du temps des j ours sans gestes dans un environnement trop riche. Confort rejeté. Jours de semaine. Brosses, chiffons, éponges, balais. Dans la perfection de toilettes publiques dont la transparence se masque pour le respect de l’intimité. Perfection de la technique.

Céder à la misanthropie ou admirer les acteurs et reprendre espoir ?

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  " Qu'est-ce donc, qu'avez-vous ? " La plupart du temps, ces instantanés partent d’un portrait photographique. Un instant arrêté. Mais par nature, les images sont mouvantes, autant devant nos écrans que dans nos mémoires.  En vérité, ce sont des enchaînements d’instantanés. Visages qui nous regardent, instantanément et, dans certains cas, pour toujours. Ces deux-là sont des génies !   Et le monteur de ce documentaire qui est venu frapper à ma porte hier soir, un véritable magicien. Un regard qui se consacre aux mouvements, aux attitudes, aux sentiments, comme s’il traversait les lentilles grossissantes d’une loupe, ou d’un microscope. Je me suis, tout soudain, retrouvé au lycée, dans l'apprentissage des alexandrins merveilleux de Molière et tout à la fois, replongé dans les instants inoubliables où ces deux acteurs sont montés sur scène, devant moi, ou bien quand ils ont été captés par les metteurs en scène de cinéma. Et j'ai aussitôt songé aux déclarat

Le temps de retrouver Marcel Proust

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  Longtemps, je me suis couché de bonne heure. Parfois, à peine ma bougie éteinte, mes yeux se fermaient si vite que je n’avais pas le temps de me dire : « Je m’endors. » Et, une demi-heure après, la pensée qu’il était temps de chercher le sommeil m’éveillait ; je voulais poser le volume que je croyais avoir encore dans les mains et souffler ma lumière ; je n’avais pas cessé en dormant de faire des réflexions sur ce que je venais de lire, mais ces réflexions avaient pris un tour un peu particulier ; il me semblait que j’étais moi-même ce dont parlait l’ouvrage : une église, un quatuor, la rivalité de François Ier et de Charles Quint. Cette croyance survivait pendant quelques secondes à mon réveil ; elle ne choquait pas ma raison mais pesait comme des écailles sur mes yeux et les empêchait de se rendre compte que le bougeoir n’était plus allumé.   A priori , je me souvenais plutôt de la lecture de Marcel Proust comme d’un moment intime, ressurgissant régulièrement des souvenirs de mon

Prises au piège

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  Il est rare que soit donnée à connaître et surtout à voir sur les écrans une Suisse pluriculturelle et surtout une Suisse des banlieues et des grands ensembles. Encore une des qualités de la sélection de l’ Arte KinoFestival  : savoir mettre en valeur des cinéastes, très connus ou moins connus, peu importe, qui creusent le regard. " Sami, Joe et moi ", trois adolescentes remarquablement interprétées, trois destins hérités du passé de leurs parents, passé souvent douloureux, remis à plat par une société du regard, où rien ne passe inaperçu, mais où tout peut être ignoré. Est-ce si différent de la situation dont les télévisions font quotidiennement le compte-rendu dans les pays voisins de la Suisse ? Autrement dit dans nos «  banlieues  » où se côtoient et s’affrontent les origines ethniques ou géographiques et les langues ! «  Une Suisse au-dessus de tout soupçon  », titrait Jean Ziegler en 1976. La réalisatrice et actrice Karine Heberlein , quelques décennies plus