Forbach au cœur (2) : dans la lumière des femmes
Dans l’ombre portée des métiers qui disparaissent.
Dans
l’ombre portée des femmes qui ont porté une société meurtrie.
J’insistais dans le post précédent publié dans le blog
sur la « Destination Europe », consacré au patrimoine
industriel, sur l’importance d’accorder une place essentielle aux ouvriers et ouvrières qui
ont fait vivre ces outils et ces machines, creusé ces excavations labyrinthiques et habité ces énormes bâtiments que l’industrie moderne a générés.
L’ombre de Zola, côtoyant celle de Dreyfus, a
largement plané au-dessus de nos têtes ces dernières semaines. « Germinal »
a fait l’objet d’une adaptation télévisée en « série » sur la
chaîne TF1 dont les moyens importants, en termes de décors et de distribution,
signifiaient un peu comme un remord vis-à-vis d’un monde disparu. Une démarche destinée aussi en partie à
excuser au présent, notre actualité où les restes d'un naufrage occidental provoquent les (derniers ?) sursauts de révolte.
Si dans le film de Claire Burger « C’est ça l’amour »
on semble s’éloigner de la révolte violente du monde du travail agonisant, la
violence est cependant intériorisée.
Ce fonctionnaire qui répéte désespérément qu’il travaille dans une administration locale, paraît vouloir conjurer un sort : celui de vivre dans une ville meurtrie.
Et s’il empreinte les accents de la musique de Mozart pour calmer son mal-être, c’est le symptôme du manque de respect ambiant qu’il dénonce en permanence.
Mal considéré par la société et mal considéré par sa femme qui vient de le quitter.
Trop materné par sa fille aînée restée avec lui, dont l’émancipation adolescente le dépasse et trop mal considéré par la cadette qui voudrait être déjà plus grande.
Tous les trois, au
sein de cette cellule familiale parfois trop étanche, parfois trop lâche,
semblent survivre à une situation qui les dépasse, tout comme les décisions
politiques et économiques prises au-dessus d’eux les écrasent et les réifient.
Il reste la danse, le théâtre, l’espace où l’on peut
mimer ses douleurs internes pour les dépasser.
Ces entre-deux maladroits, où les êtres se cherchent
font toute la qualité du film et marquent toute sa sensibilité à fleur de peau ! Et
les acteurs choisis par la cinéaste, dont Bouli Lanners qui semble conduire la danse, sans
vraiment la maîtriser, sont remarquables !
Une colère maîtrisée devant ce qui pourrait constituer
un conte de fées, mais qui n’est devenu qu’un conte sur la fin d’un monde.
Décidément, Forbach aura permis à deux cinéastes
complémentaires, Claire Burger et Régis Sauder, de faire la démonstration que ce
cinéma à fleur de peau, à hauteur d’homme, dans lequel je peux inclure celui des Frères Dardenne, de part et d’autre
de frontières industrielles, n’est jamais aussi émouvant que lorsqu’il nous
parle du patrimoine humain du monde industriel.
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